L'actionnaire minoritaire, deuxième enjeu de la compétitivité des entreprises françaises | Marketing du web, growth et Startups | Scoop.it

Serge Delwasse / Conseil de direction générale, turnaround manager et investisseur en situations critiques "Il vaut mieux, disait un banquier, investir une place forte qu'un capital. Il est arrivé qu'une place investie se soit rendue ; un capital investi ne se rend jamais" Auguste Detoeuf, fondateur d'Alstom, in Propos de O.-L. Barenton, confiseur, ancien élève de l'École Polytechnique.

 

Dans un précédent billet, coécrit avec Hervé Kabla, "Le battement d'ailes du client mécontent ", nous osions suggérer que le manque de compétitivité de beaucoup d'entreprises françaises était plus lié au manque d'amour du client qu'au taux de tel ou tel impôt. Aujourd'hui, "l'affaire Alstom", que dis-je, le feuilleton Alstom, me permet de lancer quelques réflexions sur les relations entre les dirigeants et les actionnaires minoritaires.

 

Alstom/GE/ Siemens : quel est l'intérêt du petit porteur ?

Déjà un mois que le feuilleton de l'avenir d'Alstom passionne les observateurs : d'un côté les tenants du patriotisme économique, ceux qui se sont réjouis de l'échec du rachat de Dailymotion, ceux qui pensent que le protectionnisme industriel a un avenir, de l'autre les docteurs en libéralisme, qui se demandent à quel titre l'État, qui a, rappelons-le, privatisé Alstom il y a quelques années, c'est-à-dire vendu ses actions, intervient pour décider que Siemens est un meilleur partenaire – en fait acquéreur – que GE. Et l'actionnaire ? Petit porteur ou fonds d'investissement, je n'ai pas souvenir d'avoir entendu LA phrase que l'on aurait été en droit d'attendre "nous cèderons à celui qui paiera le plus cher, de manière à maximiser la valeur pour l'actionnaire". 

 

De la bourse de Nancy au Nasdaq

C'est du café du commerce, mais c'est vrai : le monde a changé. Là où, voici encore 30 ans, l'habitant de Bar-le-Duc qui avait un peu d'argent l'investissait, après une intense réflexion et de longues discussions avec son agent de change, sur trois sociétés cotées à la bourse de Nancy, ce au prix de coûts d'intermédiation suffisamment exorbitants pour le dissuader de faire l'opération inverse le lendemain, le même Barrois – qui habite Bar-le-Duc, donc – peut acheter des actions de ce qu'il veut, où il le souhaite, ce sans quitter son salon, voire en étant à l'autre bout du monde s'il est en voyage. Il en est de même pour tous les actionnaires du monde, et surtout pour les fonds d'investissement : le signal qui leur est donné est celui d'un pays où l'on se préoccupe peu de la plus-value de l'actionnaire.

Ce qui fait monter les actions

En ressortant son vieux cours de finance, le lecteur en aura la confirmation, la valeur d'une action peut résulter de deux facteurs : le premier est la perspective de toucher des dividendes. Or tout le monde sait que les dividendes versés sont, le plus souvent, anecdotiques, voire symboliques. Le second facteur de valorisation d'une action est la possibilité de faire une plus-value, c'est-à-dire revendre plus cher que le prix payé.

Vous achetez une action parce que vous pensez que quelqu'un sera prêt à vous l'acheter le lendemain. Au bout du bout, il faut bien que quelqu'un hérite – théoriquement du moins – du mistigri. C'est cette perspective, pour faire simple, de cession en bloc/d'OPA, qui fait la valeur de 95 % des titres. Le message donné par le gouvernement est alors malheureusement clair : les perspectives de plus-value sont, en France, inférieures à celles du reste du monde.

 

Ce qui est vrai pour Alstom l'est encore plus pour la startup financée par les business angels

Les pouvoirs publics font des efforts importants pour donner aux PME un accès plus facile au capital, que ce soit via la Caisse des Dépôts et sa galaxie de structures de financement, au premier rang desquelles figure la BPI, ou via les incitations fiscales (Tax-Break ISF, PEA, actionnariat salarié...). Bien souvent, la question du retour sur investissement est éludée. Et les minoritaires reçoivent le service minimum.

En cas de difficultés financières, ils deviennent même bien souvent la dernière roue du carrosse : échaudés, avec des moyens financiers limités, ils n'ont par exemple pas les moyens de suivre une augmentation de capital. Quand on échoue, il est primordial de traiter ceux qui vous ont fait confiance avec le plus grand soin. Je me souviens d'un acteur en vue de la place, dont un LBO majeur s'était achevé dans une déconfiture mémorable. Il avait mis tous ses efforts à limiter la casse pour les banques, afin de préserver ses financements futurs.

Pourtant, il m'arrive régulièrement, en tant que turnaround manager, de rencontrer des business angels, actionnaires minoritaires d'entreprises en (grande) difficultés. Alors que les actionnaires majoritaires, souvent créateurs et dirigeants, devraient n'avoir qu'un objectif, celui de préserver les minoritaires, fut-ce au détriment de leur position dans l'entreprise, voire de leur propre participation, c'est tout le contraire qui se passe. Au moment des difficultés, on oublie ce que l'on doit aux investisseurs.

Les PME françaises sont sous-capitalisées. Les pouvoirs publics devraient s'attacher à encourager l'investissement au capital. Les incitations fiscales ne font pas tout. Et l'exemple qui nous est donné aujourd'hui ne va pas dans le bon sens


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Via Denis Vitel, Pharmacien et consultant