2017 : comment Hollande prépare son coup | KILUVU | Scoop.it

Contre le libéralisme des ténors de la droite, le président de la République peaufine son dispositif et son discours de campagne. Cap à gauche !

Survolté, le président de la République a repris le sentier de la guerre. Cette bête à concours ne se sent jamais mieux que lorsque se profilent les élections. L'odeur de la castagne le revigore et le voici de nouveau dans l'exercice qu'il affectionne : semer les petits cailloux de sa campagne électorale en distribuant les cadeaux, les piques, les rôles et les cartes.

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Les cadeaux, d'abord. Aux fonctionnaires, en premier lieu. La clientèle traditionnelle de la gauche s'est serré la ceinture pendant six ans. Le président desserre un cranen revalorisant le point d'indice en deux fois, le 1er juillet 2016, puis le 1er février 2017 (en pleine campagne électorale). Pour chacun, ce sera entre 220 et 310 euros d'augmentation annuelle. Une enveloppe d'environ 2,4 milliards d'euros. Plus spécifiquement, pour revaloriser les 370  000 enseignants du primaire, une prime annuelle de 800 euros net sera distribuée à la rentrée 2016.

 

Ces médecins de la droite « qui saignent et purgent »

Les piques, ensuite. Dans son discours devant la Fondation Jean Jaurès, François Hollande s'est amusé à se moquer des propositions des candidats de la droite, de Sarkozy à Juppé en passant par Fillon, quasiment tous convertis au libéralisme en vigueur chez nos voisins européens. « Nous n'avons pas besoin de copier ni les mini-jobs des uns ni l'âge de la retraite des autres, a-t-il lancé, mardi, au théâtre du Rond-Point. Je vous l'assure, la France peut réussir sans avoir à démanteler les services publics, précariser les salariés, réduire les impôts des plus favorisés. »

Pour lui, l'alignement de la France sur le standard allemand ou européen serait un « abaissement ». Il considère même que le retour de la droite serait une « aventure » et compare les Sarkozy, Juppé, Fillon, Le Maire et autres à des médecins qui s'acharneraient à pratiquer « des saignées et des purges pour penser que le malade peut guérir alors même qu'il est déjà mort ».

Cette référence implicite au Malade imaginaire de Molière permet au chef de l'État de se distribuer le rôle central de la pièce de théâtre qui va être donnée en 2017 sur les tréteaux de France : celui du réformateur raisonnable, garant d'un équilibre français entre innovation sociale et tradition républicaine dans un monde plus que jamais dangereux. Hollande sculpte sa statue à l'aune de ses prédécesseurs, de Léon Blum à Lionel Jospin en passant par Mitterrand.

 

Un nouveau remaniement dans les tuyaux

Il défend l'idée que la gauche ne parvient au pouvoir qu'en cas de crise. En somme, lorsque la droite a failli. Une manière de justifier les difficultés dans lesquelles la gauche de gouvernement se débat une fois au pouvoir pour non seulement appliquer ses idéaux, mais aussi pour renverser la situation compromise. Cette leçon d'histoire est assez univoque, car on pourrait lui objecter que la droite ne parvient pas non plus au pouvoir sur un lit de pétales de roses, fussent-elles socialistes. Le général de Gaulle vient solder en 1958 l'échec des socialistes à résoudre l'épineuse guerre d'Algérie. Il n'a pas vraiment trouvé une situation idéale...

Peu importe les leçons de l'histoire, pour François Hollande, il s'agissait surtout de répondre aux critiques de ses propres frondeurs du PS qui s'apprêtent à rejouer le psychodrame du « reniement » à l'occasion de l'examen de la loi travail. Le recours au 49.3 n'est pas la panacée pour un candidat qui doit absolument rassembler son camp derrière lui avant d'affronter la droite.

Côté cuisine, François Hollande s'est donc remis aux fourneaux. Il est de nouveau question d'un remaniement ministériel qui permettrait de faire entrer au gouvernement les deux présidents de groupe, Bruno Le Roux et Didier Guillaume. Stéphane Le Foll, l'actuel ministre de l'Agriculture, serait alors pressenti pour remplacer Le Roux à la tête du groupe PS et se verrait, par la suite, confier la direction de la campagne électorale du candidat Hollande.

 

Macron remis au pas

François Hollande a aussi mis un peu d'ordre chez ses partisans et s'apprête à redistribuer les cartes. Stéphane Le Foll a été dissuadé de transformer Hé oh la gauche ! en mouvement autonome. Cela risquait, en effet, d'ajouter à la confusion entre La Belle Alliance populaire lancée par Cambadélis et le mouvement En marche ! d'Emmanuel Macron, assez inclassable pour l'instant. Donc, il a été décidé que La Belle Alliance serait le vecteur de rassemblement derrière la candidature Hollande.

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Emmanuel Macron, lui-même, a accepté de plier face au chef de l'État, même si le ministre de l'Économie demeure convaincu que la candidature Hollande reste incertaine. Dans ce cas, il tenterait sa chance. Reste Manuel Valls, un élément qui n'a pas encore tout à fait trouvé sa place dans le dispositif. Le Premier ministre s'est beaucoup isolé chez les socialistes à travers sa position sur la déchéance de nationalité ou la première version de la loi El Khomri. Les temps sont difficiles pour le bouillant Catalan. Il s'est fait doubler sur sa droite par Macron et peut difficilement se rabattre vers la gauche au moment où le tandem Hollande-Cambadélis occupe tout le centre de l'appareil.

Le Premier ministre cherche l'atout maître qui le positionnera comme l'avenir de la gauche dans l'après-Hollande. Il mise sur une réappropriation par la gauche du discours identitaire. Même, sur ce terrain, François Hollande commence à dérouler sa tonalité : à ceux qui se lamentent du déclin français, à ceux qui voudraient opposer les Français selon leurs origines, leurs racines, à ceux qui voudraient mettre l'islam à l'index, le président de la République répond qu'il sera le gardien de la « cohésion sociale, nationale et républicaine ». Alain Juppé, le favori des sondages, ne promet pas autre chose. Sur ce créneau, la guerre de territoire commence entre les deux hommes.


Via Jacques Le Bris